La lumière Florentina
Un grand philosophe français nous a laissé un aphorisme effrayant : ”L'histoire d'une vie, quelle qu'elle soit, est l'histoire d'un échec”. Je me demande avec une grande tristesse si on peut endosser la pertinence de cet aphorisme pessimiste pour mon épouse bien aimée, Florentina dont la vie a été fauchée par son cancer à 71 ans et 3 mois. Elle a souffert beaucoup avant de s’éteindre dans une maison de soins palliatifs, mais nous ne pouvons pas réduire l’histoire de sa vie seulement à la défaite finale. Car elle était, et à mon avis avec raison, fière de sa façon de vivre.
Florentina, ma Florentina, a été une lumière. Une lumière charmante, espiègle et adorée dans son enfance roumaine, une lumière pleine de chaleur et d’énergie contagieuse dans sa jeunesse, une lumière qui radiait bonté et sensibilité, dévotion et générosité, empathie et esprit de sacrifice pour tous ceux qui l’entouraient de loin ou de près à l’âge de sa maturité canadienne. Dans sa courte vieillesse elle était sage, tolérante, toujours à l’écoute des autres, toujours prête à soutenir un ami ou une amie en détresse, même quand, dans les dernières semaines traversait des moments terribles à cause de ses douleurs ininterrompues. Elle n’a jamais refusé à parler à quelqu’un ou à lui prodiguer son aide généreuse en invoquant ses souffrances.
Florentina était un mélange touchant de force et fragilité qui émouvait et parfois intriguait ses amis. Ma femme, ma fillette, ma meilleure amie, Florentina était timide, délicate, facile à blesser, mais elle n’acceptait ni sa timidité, ni ses faiblesses et affichait une personnalité forte et entreprenante qui privilégiait la débrouillardise, la franchise, les décisions tranchantes, parfois dures pour elle.
Florentina avait un esprit brillant, curieux et incitant. Elle était heureuse quand découvrait chez ses amis, chez ses proches la bonté, l’humour et l’altruisme qui étaient, également, les trésors de son caractère.
Personne ne pouvait être ennuyé ou indifférent quand se trouvait près d’elle. Elle était disponible à tous ceux qui avaient besoin d’un ami sincère, dévoué et généreux. De telle façon, elle a aidé non seulement ses proches, mais des dizaines d’autres personnes, souvent simples connaissances de passage.. Et souvent elle a contribué grandement à des grands changements bénéfiques dans leurs vies.
On dit qu’on mesure la valeur et l’esprit d’une personne d’après ce qu’elle aime. Florentina aimait tout ce qui était beau et intelligent. Elle avait des écrivains, des peintres, des compositeurs et des artistes préférés. Après son départ de notre maison qui, avec elle, était un paradis, il me reste sur les étagères ses livres chéris dus à Marguerite Duras, Somerset Maugham ou Milan Kundera, ses albums préférés avec les œuvres de Monet, Renoir, Sisley et les autres impressionnistes, les disques avec la musique de Leonard Cohen, Dmitri Chostakovitch et André Rieux. Elle était pour moi autant une femme aimante, qu’une merveilleuse amie qui m’aidait et me protégeait et qui avait su construire un environnement de famille basé sur une logique rigoureuse et, en même temps, rassurante.
Non, sa vie n’a pas été un échec mais l’histoire d’une vie modeste épanouie en générosité, dévouement, bonté et intelligence.
Que ton âme repose en paix, mon petit Ourson, ma chère lumière! Ta douleur, tes souffrances, ton amour et ton héroïsme anonyme m’ont marqué pour toujours! Je ne t’oublierai jamais!
Mircea
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v.1.9.5