Charles Auguste Dupuis, est né le 5 février 1938 et a passé sa jeunesse à Saint-Philippe-De-Laprairie à courir dans les champs, à se baigner dans les étangs, à se promener en vélo, et à jouer au hockey avec ses amis.
Papa était un p’tit gars très intelligent et apprenait vite à l’école. Il a commencé sa première année à l’âge de cinq ans et à 6 ans, il savait déjà très bien lire. Son frère Bernard se souvient que vers l’âge de 8 ans, il avait été choisi pour monter en chaire et lire une partie de la liturgie lors de la première Fêtes des Enfants à Saint-Philippe. Avec sa soutane blanche, il ressemblait vraiment à un petit prêtre. Une chance pour Annie et moi qu’il n’ait pas suivi cette vocation car nous ne serions pas de ce monde!
Ceci mènerait peut-être certains à penser que Papa était un p’tit ange, mais Bernard m'a raconté un souvenir qui démontre le contraire! Il y avait un dénommé M. Barrette à Saint-Philippe, un gros monsieur qui habitait seul dans sa grande maison à deux étages. Il avait toujours une ampoule qui éclairait son balcon avant et un jour, Bernard et Papa ont décidé de lui jouer un tour et d’enlever l’ampoule. Papa a donc grimpé sur les épaules de Bernard et il avait commencé à dévisser l’ampoule lorsque Bernard a levé le regard pour se rendre compte que la grosse face de M. Barrette était juste devant lui et c’est à ce moment qu’il l’a entendu crier “HAHA… c’est donc comme ça que je vous attrape à faire vos mauvais coups!” Bernard a tellement fait le saut qu’il est parti en courant en oubliant que Papa était toujours sur ses épaules. Papa est donc tombé en pleine face et a dû se relever vite pour se sauver à toute vitesse à son tour!
Papa a quitté Saint-Philippe à l’âge de 11 ans pour devenir pensionnaire au Collège de l’Assomption et par la suite, au Collège Jean-de-Brebeuf. Il ne revenait donc à la maison que pendant le congé des Fêtes et les vacances d’été.
C’est à l’âge de 15 ans, lors d’un de ces congés hivernaux, que Papa a rencontré Maman lorsqu'il était sorti faire du traineau avec son ami Bernard Daigneault. Puisque Bernard et lui la trouvaient tous les deux à leur goût, ils ont décidé de jouer à tête ou biche pour savoir qui aurait le droit de flirter avec elle. Papa a gagné mais il a éventuellement avoué à Maman qu'il avait triché - son coup de cœur pour elle lui aurait-il donc donné la confiance et la dextérité d’un magicien?
Après presque 10 ans de fréquentation incluant quelques courtes pauses qui leur ont permis de se rendre compte que le gazon n’est en fait pas toujours plus vert chez le voisin, Papa et Maman se sont mariés le 16 juillet 1960. Papa venait de commencer à travailler en tant que technicien à l’Hydro-Québec où il est resté jusqu’à sa retraite à 55 ans. Malgré qu’il aurait pu prendre sa voiture pour se rendre au travail à la Place Dupuis, Papa préférait prendre l’autobus et le métro. Aurait-il été influencé par une éthique environnementale précoce? Annie et moi amerions bien y croire…
Le 7 avril 1966, jour de ma naissance, Papa a arrêté de fumer “cold turkey” malgré qu’il fumait déjà depuis très longtemps. Il semblerait que son amour pour moi était plus fort que sa dépendance à la nicotine car à ce que nous le savons, il n’a jamais recommencé à fumer, sauf peut-être quelques-unes lors de certaines réunions syndicales particulièrement intenses! Car de 1977 à 1980, Papa a aussi été vice-président du Syndicat des employé-es de métiers d’Hydro-Québec - section locale 1500, fondé en 1966, même année de naissance que moi!
Papa était un homme en avance sur son temps quand il s'agissait de la préparation des repas, une tâche domestique à laquelle il consacrait beaucoup d’amour et d’énergie et, comme le confirme Maman, il était un cuisinier hors pair dont la spécialité était le poisson!
Ce fut un moment de grande fierté pour moi quand, à l'âge de 14 ans, Papa a déclaré que j'étais assez grande pour l’aider à préparer sa fameuse sauce à spaghetti. Il avait appris cette recette très élaborée lors d’un cours de cuisine que lui et maman avaient suivi ensemble peu de temps après leur mariage. Papa insistait pour que je mesure tous les ingrédients avec précision et lorsqu'il venait le temps d'ajouter les 3 gouttes de sauce Tabasco, il me surveillait pour être certain que je n'en mettais pas plus malgré que nous préparions un énorme chaudron de sauce! Annie et moi avons toutes les deux hérité de sa passion pour la bonne bouffe maison mais surtout pas de sa rigueur pour suivre les recettes à la lettre!
Puisqu’il aimait bien manger, Papa aimait aussi faire l'épicerie et il amenait souvent Annie et moi avec lui le samedi, journée des commissions. Annie se souvient qu'il lui tendait le petit doigt pour qu'elle s'y accroche en marchant et qu’elle devait trotter rapidement pour rester à ses côtés. Nous nous amusions à aller chercher les items sur sa liste un à la fois et le plus vite possible pour qu'il nous en donne un autre. Pendant qu'Annie et moi marchions à pas rapide dans les allées (il nous était interdit de courir), Papa prenait son temps à parcourir tranquillement les tablettes à la recherche de nouveaux produits alimentaires à essayer.
Je vous amène maintenant faire un grand saut vers le future, soit 45 ans plus tard: pendant la pandémie, Papa divisait la liste d'épicerie avec Maman pour sortir le plus vite possible et ainsi diminuer le risque d'attraper la COVID, mais malgré cela, Maman devait toujours attendre après lui lorsqu'elle avait terminé sa partie de la liste. Preuve que même à l’âge de 82 ans, Papa n’était jamais pressé lorsqu’il faisait son épicerie!
Papa a toujours été très près de sa mère, et pas seulement parce qu’elle habitait juste en haut de chez nous! Il allait souvent lui rendre visite et prenait une bière en jasant. Même quand Grandmaman était à l’hôpital, Papa allait la voir chaque jour afin de s’assurer qu’elle était entre de bonnes mains. Malgré que Grandmaman a toujours été une femme très indépendante et débrouillarde, elle aimait bien que Papa l’amène faire son épicerie avec nous. Lorsque nous avions acheté tous les items sur notre liste, Papa faisait un dernier arrêt à la boulangerie pour acheter du bon pain frais et nous laissait choisir une pâtisserie chaque pour le dessert du samedi soir. Grandmaman, assise sur le siège arrière avec Annie et moi, prenait la miche et nous en déchirait chacune un gros morceau en mettant son doigt devant sa bouche pour que nous pensions que c'était un secret qu'il fallait garder de notre Papa. Il en était évidemment bien conscient mais étant un passionné de la bonne bouffe, il devait trouver cela drôle et a toujours continué de laisser le pain frais sur le siège arrière pour que nous puissions en prendre.
Annie a longtemps continué la tradition d’accompagner Papa pour faire l'épicerie, même lorsqu'elle était en visite de Toronto, et à ce jour, grâce à toi Papa, Annie et moi ne voyons jamais la tâche de faire l'épicerie comme une corvée, mais plutôt comme une aventure de découverte gastronomique!
Papa n'avait surtout pas la même patience sur la route que pendant nos sorties à l’épicerie. Il était un excellent conducteur mais il endurait difficilement les conneries des autres avec qui il devait partager la route. À chaque été, lors de nos longs trajets en voiture pour se rendre à notre destination de camping, il était assez commun d’entendre Papa lâcher une série de jurons typiquement québécois dont je vous épargnerai les détails et que notre mère tentait en vain d'atténuer pour ne pas corrompre ses filles. Maman, tu as réussi, ni moi ni Annie ne sacrons en français… mais en anglais par contre… :)
Bien que Papa n’était pas un chanteur comme son frère Bernard, il était un siffleur doué et se promenait souvent dans la maison en sifflotant des airs variés. J'étais très envieuse de son talent donc je lui ai demandé à plusieurs reprises de me montrer comment faire mais malgré tous ses efforts je n’ai jamais appris qu’à faire sortir un sifflement aigu qui ne me sert aujourd’hui qu’à appeler mon chien! Je me souviens aussi qu’après le souper de steak du samedi accompagné d’une bouteille de vin, Papa, allongé sur le banc, aimait bien chanter quelques refrains de “Perrine était servante” des Compagnons de la Chanson. J’aurais tellement aimé avoir pu vous faire écouter un enregistrement de ce souvenir précieux…. Papa m’a aussi donné mon premier album rock pour ma fête de 15 ans, Even in the Quietest Moments de Supertramp, tel que recommandé par un de ses amis de l’Hydro-Québec. J’ai écouté cet album sans arrêt, probablement assez pour que mon père regrette de me l’avoir donné, et à ce jour, j’en connaîs encore plusieurs tounes par cœur !
Papa a toujours bien aimé les animaux et était particulièrement sensible au sort des oiseaux qu’il n’aimait surtout pas voir en cage. Nous avons eu plusieurs chats qui, comme la plupart des félins, aimait bien chasser et si jamais l’un d’eux nous rapportait un petit oiseau mort comme cadeau, Maman nous demandait de le mettre aux poubelles vite vite avant que Papa le découvre. Il a aussi beaucoup aimé Kalinka, une petite caniche adoptée lorsque je n’avais que 6 mois et qui a été adorée par nous tous jusqu’à sa mort à l'âge de 15 ans. Papa la promenait souvent dans ses bras dans la maison, avec sa petite tête bien blottie sur ses épaules. Pendant nos longs trajets en voiture, il la laissait grimper entre l'appuie-tête et ses épaules ou elle restait bien étendue pendant des heures, ou jusqu’à ce que Papa commence à avoir mal au cou! Nous avons beaucoup de photos de Papa avec Kalinka et plus tard, avec un de nos nombreux chats assis sur ses genoux pendant qu’il lisait son journal. Papa, tu as définitivement transmis ton amour pour les animaux à moi et Annie car nous avons toujours continué de nous entourer de chats et chiens. À un moment donné, j’avais sous mon toit 2 enfants, 2 chiens et 4 chats! Faut dire que le poils faisait partie intégrante du décor!!
Papa a joué au hockey quand il était plus jeune et son amour pour ce sport l’a amené à devenir un fan dévoué des Canadiens de Montréal, surtout pendant la finale de la Coupe Stanley. Il criait tellement fort en regardant les matchs à la télé que Kalinka allait se cacher le plus loin possible du salon. La pauvre aurait certainement aimé que nous vivions dans une maison à deux étages pour pouvoir se réfugier plus loin encore! Je me souviendrai toujours du mois de mai de mes 10 ans, en 1976, quand Papa a décidé de célébrer le succès des Canadiens en sortant la télévision dans notre cours arrière pour regarder un des matchs de la finale contre les Flyers de Philadelphie. Une chose est certaine, ce soir-là, les voisins n'avaient pas à regarder le match pour savoir quand les Canadiens avaient compté un but!
Lorsque Annie et moi avons écrit cet éloge ensemble, les souvenirs de notre père ont commencé à se multiplier. Ce processus nous a été très thérapeutique et nous a rapproché encore plus de lui. Nous vous laissons maintenant avec une toune de sa chanteuse préférée, Diane Dufresne, “Un souvenir heureux.”
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